jeudi 31 mai 2007

Auschwitz, Pascal CROCI, 2000


Ce livre se présente sous la forme d’une bande dessinée en noir et blanc. A la fin de l’album, on trouve une interview de l’auteur qui explique sa démarche avec croquis, esquisse, glossaire…

Un récit bouleversant inspiré de survivants.

C’est une fiction sur le camp d’extermination, basée sur de nombreux témoignages de survivants que l’auteur a rencontrés. Il cite d'ailleurs l'un d'entre eux, Maurice Minkowski, en guise de préface à son ouvrage:
" Et combien de temps êtes vous resté dans le silence?
" Cinquante deux ans. Je vous le dis, avant, on ne s'intéressait pas à tout ça... "

L'histoire débute en 1993 en ex-Yougoslavie: le vieux Kazik et sa femme Cessia se souviennent d'Auschwitz...
L’auteur retrace l’histoire d’un couple de juifs polonais et leur fille, déportés dans le camp de la mort.
Le processus d'extermination massive des Juifs est donc le sujet central de cette bande dessinée qui nous raconte, de l'arrivée au camp d’Auschwitz jusqu'à son abandon par les nazis, des scènes quotidiennes de la vie de milliers et de milliers de détenus qui sont passés par là, à travers le récit de Kazik et de sa femme.

Le réalisme du dessin, des mots pour dire l’horreur

Dès les premières bulles de la bande dessinée on peut lire :

A l'aube des temps, les chrétiens avaient déclaré: « vous ne pouvez pas vivre parmi nous comme juifs ... »
Au haut Moyen Age : « vous ne pouvez plus vivre parmi nous ... »
Enfin, les nazis décrétèrent : « vous ne pouvez plus vivre".

L’histoire de Kazik et de sa femme est bouleversante, dessinée de façon réaliste dans le but de sensibiliser les lecteurs à ce qui s’est passé. Pascal Croci a volontairement évité tout esthétisme dans la réalisation de ses dessins. En choisissant un dessin réaliste, il ne représente pas Auschwitz de manière symbolique. Bien au contraire, il retranscrit directement l'enfer des camps et entraîne le lecteur dans une atmosphère glauque et morbide.
L'horreur est visible sur chaque dessin. La panique, la peur, la terreur, la mort, sont visibles sur les visages en gros plans des Juifs, la haine sur celui des Allemands...
Les dialogues, comme les dessins, sont sans ambiguïtés et le lecteur a un profond sentiment de malaise.

"Ici on entre par la porte et on sort par la cheminée", affirmait un détenu à Kazik...

On peut également de la bouche d'un Allemand des paroles aussi terrifiantes que : "La politique que nous menons est nécessaire pour le bien de l'humanité ... Combattre la peste juive, les anéantir pour toujours, sans exception... "

La place de ce document dans la construction de la mémoire est très importante car il permet de marquer les consciences et ainsi faire que ces actes odieux et inhumains ne se reproduisent jamais.
Pascal Croci n'a ainsi rien voulu cacher, mis à part la mise à mort des Juifs dans les chambres à gaz qui n'est pas directement représentée. Elle est seulement suggérée par les détenus qui montrent la fumée qui sort des fours crématoires (ils savaient très bien de quelle fumée il s'agissait)... Et par le biais de Kazik qui, en tant que membre du Sonder Kommando, le "commando spécial" qui devait nettoyer les chambres une fois l'extermination finie, a vu les morts de ses propres yeux. Il témoigne que, "là où le Zyklon avait été versé ... les gens étaient blessés, souillés, sanglants, saignants, des oreilles, du nez, ils s'étaient débattus, combattus, certains gisaient sur le sol, à cause de la pression des autres, il étaient totalement méconnaissables...".

Et cette atrocité, Pascal Croci l'a dessinée. Ses dessins éveillent chez ses lecteurs un réel et profond sentiment de malaise, tellement l'horreur est bien retranscrite, tellement les dessins sont poignants, terrifiants, bouleversants...

L’intérêt de cette bande dessinée

Dans cette B.D. Pascal Croci ne cherche pas à expliquer de façon exhaustive la "Solution finale". Il cherche juste à sensibiliser les nouvelles générations au devoir de mémoire (comme lui-même à été très sensibilisé, d'où la réalisation de ce projet).

Cette B.D., dont le rôle éducatif est renforcé en fin d'ouvrage par un lexique des termes utilisés pour parler de la Shoah (aryen, camp de concentration, camp d'extermination, chambre à gaz, etc.) a ainsi un but : que personne n'oublie les millions de victimes du nazisme.

Car, comme le vieux Kazik l'affirmait :

"On ne peut pas oublier ça".

ET

"Parce qu'après Auschwitz, il existe encore des hommes pour tuer d'autres hommes, d'autres crimes contre l'humanité sont à craindre"...

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